En début d’année, je me suis posé une question con : est-ce qu’on peut créer un réseau social local, sans pub, à taille humaine ?

6 mois plus tard, ma réponse est : oui. Revolucion.fun n’est ni Facebook, ni Insta, ni TikTok… Mais si tu veux poster une photo, partager un texte, ou juste traîner dans un fil d’actus pépère et sans haines, eh beh oui… ça fonctionne. C’est minimaliste. C’est libre. C’est local. C’est déjà un peu vivant.


🚩 L’étape suivante, c’est quoi ?

Pas de levée de fonds en mode start-up, ni de pitchs devant des business angels à la con, j’ai passé l’âge. Juste trouver de quoi faire tourner le truc : hébergement, développement, modération, etc. Sans pub. Sans algorithmes foireux.


🧩 Et là, j’hésite.

Je pourrais :

  • Monter une association loi 1901
  • Passer par un éventuel néo statut d’entrepreneur individuel
  • Créer une petite coopérative
  • Ou inventer un autre modèle… avec vous ?

🎯 L’idée, c’est de développer un modèle soutenable pour un réseau social local, libre, indépendant.

Et comme ce réseau, il est pour nous, eh bien je me suis dit que tiens, c’est l’été, vous auriez peut-être des idées, des envies, des suggestions ?

👉 Vous en pensez quoi ? Vous seriez partant.e.s pour soutenir ça ? Sous quelle forme ? Asso, cagnotte, adhésion, dons, pierres précieuses, fromage de chèvre ?


💬 J’attends vos retours sur Linked In. Et merci d’être là. Même en plein mois d’août et en néo retraité, c’est bon de sentir que le lien social, ça se cultive. 🌱

Je cherche à comprendre comment fonctionne l’intelligence artificielle (avec mon bac-1)

Oui, bon, ok, j’ai foiré l’école. Et je me suis retrouvé avec deux bacs : un d’eau chaude et un d’eau froide (la vanne est de Bernard Loiseau).

On en parle partout. Elle écrit, elle dessine, elle compose de la musique, elle joue aux échecs et au Go (et nous colle une belle taule), elle papote comme un vieux copain sur WhatsApp… et parfois, elle nous fait un peu flipper. Mais au fond, comment ça marche cette fameuse Intelligence Artificielle ? Est-ce qu’elle est vraiment « intelligente » ? Est-ce qu’elle va nous piquer notre boulot ? Est-ce qu’elle comprend ce qu’elle dit ? Spoiler : non, non, et toujours non.

Et pourtant, elle fait des trucs bluffants. Alors, on va décortiquer ça ensemble. Tu verras, rien de sorcier : un peu de math, un peu d’analogies potagères, et beaucoup de neurones (pas forcément les tiens, mais ceux du réseau).


Acte 1 : Ce que l’IA est (et n’est pas) à l’été 2025

D’abord, soyons clairs : nous n’en sommes qu’au tout début du truc. L’IA, aujourd’hui, c’est l’arrivée d’un train en gare de La Ciotat ou l’arroseur arrosé au cinoche. On est au début de quelque chose. A ce jour – donc : l’IA, ce n’est pas une personne. Elle n’a ni conscience, ni intention, ni bon sens. Elle n’a pas d’ego (heureusement), pas trop d’humour (à part malgré elle), et encore moins de désir de conquérir le monde (elle a déjà assez à faire avec des captcha). C’est une technologie qui apprend à partir des données. Point.


Acte 2 : Le moteur de l’IA, c’est un truc qui s’appelle le Machine Learning

Imagine que tu veuilles apprendre à une machine stupide (genre un ordinateur) à reconnaître un vélo. Tu peux :

  1. Lui donner une définition (2 roues, un guidon, une selle, etc.)
  2. Lui montrer 10 000 photos de vélos et lui dire à chaque fois : « ça c’est un vélo », « ça non », « ça oui ».

Eh bien, la première méthode, c’est l’ancienne école. La seconde, c’est le machine learning. Le système apprend par l’exemple. Il repère des régularités. C’est pas qu’il comprend ce qu’est un vélo, c’est qu’il repère que, statistiquement, les trucs qu’on appelle « vélo » ont tel ou tel look.


Acte 3 : Et les réseaux de neurones dans tout ça ?

Ahhh, les réseaux de neurones ! On y vient. C’est le cœur battant de presque toute l’IA aujourd’hui. C’est eux qu’on utilise pour la reconnaissance d’image, la voix, le langage, les voitures autonomes, et même pour faire chanter des IA à la place d’Elvis. Ou Imagine par Mc Cartney.

🧠 Pourquoi « neurones » ?

Parce que c’est inspiré du cerveau humain. Très vaguement, mais un peu quand même. Ce serait comme dire que ton grille-pain est inspiré du soleil. Mais l’idée est là : plein de petites unités (les neurones artificiels) connectées entre elles, qui reçoivent une info, la transforment, puis la transmettent à d’autres.

🧱 Comment c’est foutu ?

Un réseau de neurones, c’est comme un millefeuille :

  • Une couche d’entrée (qui reçoit les données brutes)
  • Une ou plusieurs couches cachées (où la magie opère… ou pas)
  • Une couche de sortie (qui balance une réponse)

Chaque neurone est connecté à plein d’autres, avec des poids. Ces poids sont des chiffres qui déterminent l’importance de chaque connexion. Quand on entraîne le réseau :

  • Il reçoit une entrée (ex : une image de chat)
  • Il fait des calculs à chaque étage du réseau
  • Il sort une réponse (« chat » ou « pas chat »)
  • Et s’il se plante… on ajuste les poids (grâce à un processus appelé rétropropagation — le yoga de l’IA)

🧪 Un exemple concret : reconnaître un chiffre manuscrit

Prenons un réseau qui doit reconnaître le chiffre 7 écrit à la main :

  • Tu lui montres 10 000 exemples de « 7 »
  • Il apprend à repérer les traits verticaux + la petite barre horizontale
  • Il ajuste ses connexions internes pour sortir « 7 » dès que ça ressemble à un « 7 »
  • Et ainsi de suite pour les 0 à 9

Plus tu le nourris de données, plus il devient bon. Et parfois, il devient très très bon (au point de te battre aux échecs à 3 coups d’avance !).


Acte 4 : L’IA générative, c’est encore un réseau de neurones ?

Oh que oui. Ce que font Midjourney, Chat GPT4 ou DALL·E avec des images, ce sont des modèles de réseaux de neurones gigantesques, avec des milliards de paramètres. On les appelle transformers (rien à voir avec Optimus Prime, dommage), et leur grande force, c’est qu’ils peuvent analyser un contexte large (un paragraphe entier, une suite de mots, une image entière) pour produire quelque chose de nouveau. Encore une fois : ils ne « comprennent » pas ce qu’ils produisent. Mais ils sont entraînés à prédire ce qui vient après, mot après mot, pixel après pixel.


Acte 5 : Alors, est-ce que l’IA pense ?

Non. L’IA ne pense pas. Pas encore, en tou cas. Aujourd’hui, c’est irréfutable : elle calcule. Elle n’a pas d’intention, pas de but propre. Elle fait ce pour quoi on l’a programmée — ou entraînée — sans jamais sortir du cadre. C’est comme un moulin à vent : tant qu’il y a du grain (les données) et du vent (la puissance de calcul), ça tourne. Mais il ne se demande pas si le pain sera bon. Ou cher. Ou je-ne-sais-quoi.


Acte 6 : Les limites de l’IA aujourd’hui à l’été 2025

  • Biais : Si tu entraînes ton IA sur des données biaisées, elle le sera aussi. Elle ne devine pas ce qui est juste ou faux. Elle reflète ce qu’on lui donne.
  • Hallucinations : L’IA générative peut inventer des infos. Elle « remplit les blancs » même si elle ne sait pas. Quiconque l’utilise un tout petit peu sait que, parfois, l’IA débite des conneries à pleins tuyaux.
  • Opacité : Les réseaux de neurones sont parfois des boîtes noires. Difficile de dire pourquoi ils donnent telle ou telle réponse. Difficile de comprendre le fonctionnement.

Acte 7 : Pourquoi c’est si important de comprendre ?

Après tout ? Pourquoi la terre est ronde ? L’atome existe ? Eh bien parce que l’IA va faire partie de tous les métiers, toutes les boîtes, tous les secteurs. Et il ne s’agit pas forcément de devenir ingénieur, mais de savoir comment ça marche, ce que ça peut (ou pas) faire, et ce que ça implique. Bref :
– Pour ne pas être dépassé.
– Pour ne pas lui confier les clés sans comprendre à qui tu les donnes.
– Et pour pouvoir en parler en connaissance de cause à un copain, un collègue ou ton conseiller retraite (bon ok, peut-être pas lui), le mieux, comme le vélo cité plus haut, c’est de pratiquer (c’est totalement gratuit) et c’est par ici : https://chagpt.com

Tu me remercieras plus tard, j’ai l’habitude.

L’explicabilité de l’IA : kezako ?

Pourquoi l’explicabilité est-elle si importante ?

L’intelligence artificielle (IA) transforme le monde des affaires et offre des opportunités inédites. Pourtant, son adoption reste un défi, notamment pour les PME. Pourquoi ? Parce que l’IA est souvent perçue comme une « boîte noire » dont les décisions sont difficiles à comprendre. C’est là que l’explicabilité devient essentielle.

Gagner en confiance et en transparence
Comprendre comment une IA prend ses décisions permet de l’utiliser en toute sérénité. Une IA explicable offre de la visibilité sur son fonctionnement et évite l’effet « magie noire » qui freine son adoption.

Se conformer aux règles
Avec des réglementations comme le RGPD, les entreprises doivent justifier les décisions automatisées qui impactent leurs clients. L’explicabilité devient alors une obligation légale.

Améliorer ses outils et ses décisions
Une IA compréhensible permet d’identifier ses failles, d’éliminer les biais et d’optimiser son efficacité.

Faciliter son adoption
Les équipes et les clients sont plus enclins à utiliser un outil qu’ils comprennent. Une IA explicable renforce son acceptation et son utilité au quotidien.

Un enjeu clé pour les PME

Contrairement aux grandes entreprises, les PME ont rarement des experts en IA en interne. Sans une bonne compréhension de ces outils, elles risquent de passer à côté d’opportunités ou de faire des erreurs coûteuses.

Comment je vous aide à apprivoiser l’IA ?

💡 Des solutions claires et accessibles
Je vous propose des outils IA transparents et compréhensibles, sans jargon inutile ni boîte noire.

🎓 Formation et accompagnement
Je vous explique, ainsi qu’à vos équipes, les bases de l’IA pour vous rendre autonomes et confiants face à ces technologies.

🔍 Audit et optimisation
Si vous utilisez déjà l’IA, je vous aide à mieux l’exploiter et à l’améliorer.

📜 Conformité aux réglementations
Je vous accompagne pour que vos outils respectent les règles en vigueur, notamment en matière de protection des données.

Faites de l’explicabilité un levier de croissance

L’explicabilité ne doit pas être vue comme une contrainte, mais comme un avantage. Mieux comprendre l’IA, c’est mieux l’utiliser, la rendre plus efficace et renforcer la confiance de vos clients.

Prêt à adopter l’IA en toute confiance ?
Contactez-moi dès aujourd’hui et avançons ensemble vers une IA plus transparente et accessible.

L'explicabilité de l'IA : kezako ?
L’intelligence artificielle (IA) transforme le monde des affaires et offre des opportunités inédites. Pourtant, son adoption reste un défi, notamment pour les PME. Pourquoi ? Parce que l’IA est souvent perçue comme une « boîte noire » dont les décisions sont difficiles à comprendre. C’est là que l’explicabilité devient essentielle.

Chanson des escargots qui vont à l’enterrement

A l’enterrement d’une feuille morte
Deux escargots s’en vont
Ils ont la coquille noire
Du crêpe autour des cornes
Ils s’en vont dans le noir
Un très beau soir d’automne

Hélas quand ils arrivent
C’est déjà le printemps
Les feuilles qui étaient mortes
Sont toutes ressuscitées
Et les deux escargots
Sont très désappointés

Mais voilà le soleil
Le soleil qui leur dit
Prenez prenez la peine
La peine de vous asseoir
Prenez un verre de bière
Si le coeur vous en dit
Prenez si ça vous plaît
L’autocar pour Paris
Il partira ce soir
Vous verrez du pays

Mais ne prenez pas le deuil
C’est moi qui vous le dis
Ça noircit le blanc de l’oeil
Et puis ça enlaidit
Les histoires de cercueils
C’est triste et pas joli
Reprenez vos couleurs
Les couleurs de la vie

Alors toutes les bêtes
Les arbres et les plantes
Se mettent à chanter
A chanter à tue-tête
La vraie chanson vivante
La chanson de l’été
Et tout le monde de boire
Tout le monde de trinquer
C’est un très joli soir
Un joli soir d’été

Et les deux escargots
S’en retournent chez eux
Ils s’en vont très émus
Ils s’en vont très heureux
Comme ils ont beaucoup bu
Ils titubent un petit peu
Mais là-haut dans le ciel
La lune veille sur eux.

Jacques Prévert

Jacques Prévert

Jacques Prévert

Que la vie en vaut la peine

C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midis d’incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes

Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit
D’autres viennent Ils ont le coeur que j’ai moi-même
Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime
Et rêver dans le soir où s’éteignent des voix

D’autres qui referont comme moi le voyage
D’autres qui souriront d’un enfant rencontré
Qui se retourneront pour leur nom murmuré
D’autres qui lèveront les yeux vers les nuages

Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l’aube première
Il y aura toujours l’eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant

C’est une chose au fond que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n’était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre

Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici
N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle

Louis Aragon

Louis Aragon

Louis Aragon

Le bateau ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’oeil niais des falots !

Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d’astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l’amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir !

J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baisers montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l’assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.
– Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux…

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d’azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l’Europe aux anciens parapets !

J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
– Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer !

Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

Arthur Rimbaud

Arthur Rimbaud by JC Gilbert

Arthur Rimbaud

Ma liberté, mon bien, mon ciel bleu, mon amour

Ma liberté, mon bien, mon ciel bleu, mon amour.
Tout l’univers aveugle est sans droit sur le jour.
Fût-on cent millions d’esclaves, je suis libre.
Ainsi parle Caton. Sur la Seine ou le Tibre,
Personne n’est tombé tant qu’un seul est debout.
Le vieux sang des aïeux qui s’indigne et qui bout,
La vertu, la fierté, la justice, l’histoire,
Toute une nation avec toute sa gloire
Vit dans le dernier front qui ne veut pas plier.
Pour soutenir le temple il suffit d’un pilier ;
Un français, c’est la France ; un romain contient Rome,
Et ce qui brise un peuple avorte aux pieds d’un homme.

Victor Hugo

Victor Hugo

Victor Hugo

J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans

J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.

Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès, de romances,
Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,
Cache moins de secrets que mon triste cerveau.
C’est une pyramide, un immense caveau,
Qui contient plus de morts que la fosse commune.
– Je suis un cimetière abhorré de la lune,
Où comme des remords se traînent de longs vers
Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées,
Où gît tout un fouillis de modes surannées,
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher,
Seuls, respirent l’odeur d’un flacon débouché.

Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l’immortalité.
– Désormais tu n’es plus, ô matière vivante !
Qu’un granit entouré d’une vague épouvante,
Assoupi dans le fond d’un Saharah brumeux ;
Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
Oublié sur la carte, et dont l’humeur farouche
Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.

Charles Baudelaire

Charles Baudelaire

Charles Baudelaire

Les femmes et le secret

Rien ne pèse tant qu’un secret ;
Le porter loin est difficile aux dames :
Et je sais même sur ce fait
Bon nombre d’hommes qui sont femmes.

Pour éprouver la sienne un mari s’écria
La nuit étant près d’elle : Ô Dieux ! qu’est-ce cela ?
Je n’en puis plus ; on me déchire ;
Quoi ! j’accouche d’un oeuf ! D’un oeuf ? Oui, le voilà
Frais et nouveau pondu. Gardez bien de le dire :
On m’appellerait poule. Enfin n’en parlez pas.

La femme neuve sur ce cas,
Ainsi que sur mainte autre affaire,
Crut la chose, et promit ses grands dieux de se taire.
Mais ce serment s’évanouit ;
Avec les ombres de la nuit.

L’Épouse indiscrète et peu fine,
Sort du lit quand le jour fut à peine levé :
Et de courir chez sa voisine.
Ma commère, dit-elle, un cas est arrivé :
N’en dites rien surtout, car vous me feriez battre.
Mon mari vient de pondre un oeuf gros comme quatre.

Au nom de Dieu gardez-vous bien
D’aller publier ce mystère.
Vous moquez-vous ? dit l’autre : Ah ! vous ne savez guère
Quelle femme je suis. Allez, ne craignez rien.
La femme du pondeur s’en retourne chez elle.
L’autre grille déjà de conter la nouvelle :
Elle va la répandre en plus de dix endroits.
Au lieu d’un oeuf elle en dit trois.

Ce n’est pas encore tout, car une autre commère
En dit quatre, et raconte à l’oreille le fait,
Précaution peu nécessaire,
Car ce n’était plus un secret.
Comme le nombre d’oeufs, grâce à la renommée,
De bouche en bouche allait croissant,
Avant la fin de la journée
Ils se montaient à plus d’un cent.

Jean de La Fontaine

Jean de La Fontaine

Jean de La Fontaine