On entend cette phrase partout. Elle a été mon mantra pendant des années. Faut dire qu’elle claque bien, elle rassure, elle fait “pro” tout ça. Sauf qu’elle est fausse — ou, disons, incomplète. Ce qui ne se mesure pas existe très bien… mais ça ne s’administre pas tout seul. L’enjeu n’est pas de tout réduire à des chiffres, c’est de rendre le sens visible sans l’abîmer.
Pourquoi on aime tant les chiffres ?
Parce qu’ils rassurent. Un taux d’ouverture, un panier moyen, une part de marché : ça tient sur une slide, ça compare, ça tranche. Les métriques éclairent le chemin, montrent si on progresse, et te permettent d’arbitrer vite. Sans mesure, on pilote à l’instinct — et l’instinct, c’est super, mais ça a aussi ses angles morts.
Le piège ? Quand la mesure devient l’objectif. On finit par optimiser l’indicateur plutôt que la réalité. Tu connais le truc : on “booste” le clic au détriment de la satisfaction, on traque l’algorithme au lieu de parler aux humains, on publie plus parce que le tableau de bord aime les volumes… alors que la vraie valeur se joue ailleurs.
Les dégâts quand on confond métrique et réalité
- On perd la boussole. Un “+12 %” peut cacher une dérive (plus de vues, moins de clients heureux).
- On décourage les équipes. Si tout ce qui compte doit tenir dans un KPI, la créativité se contracte.
- On tue le long terme. Le court terme est hyper mesurable ; la confiance et la marque, moins. Devine qui gagne quand on ne regarde que les chiffres faciles ?
Bref, tout mesurer n’est pas – n’est plus – synonyme de mieux gérer. C’est comme conduire en ne regardant que le compteur : tu connais ta vitesse, pas la route.
Ce qui compte mais se mesure mal (et comment l’attraper sans le dénaturer) ou quelques petits trucs que j’utilise
- La confiance. Plutôt que “inventer” un chiffre, fais un baromètre qualitatif trimestriel : 5 questions courtes, réponses ouvertes, même échantillon, même rituel. Tu ne réduis pas la confiance à un score, tu suis son histoire.
- La clarté. Utilise un test des 5 secondes sur tes pages clés : qu’est-ce que tu proposes ? pour qui ? pourquoi c’est mieux ? Si 8/10 pigent l’essentiel, tu es clair. Sinon, on réécrit.
- La communauté. Observe les signaux faibles : réponses entre membres (pas à la marque), échanges spontanés, entraide. Ce n’est pas un KPI, c’est une boussole.
Ce qui ne se mesure pas… existe, et c’est même précieux
La curiosité d’un client qui te pose une vraie question. La confiance qu’un partenaire te témoigne. Le frisson quand une idée tombe juste. Tu peux objectiver une partie de tout ça, mais garde-toi de l’aplatir. La bonne métaphore, c’est le cockpit : les instruments (métriques) sont vitaux, mais le pare-brise (le réel) l’est tout autant. Tu jettes un œil aux deux, en permanence.
En résumé :
- Mesure ce qui t’aide à décider, pas ce qui flatte ton ego.
- Ajoute des rituels qualitatifs pour – essayer de – capter le sens.
- Protège tes garde-fous pour ne pas gagner au mauvais jeu.
“Ce qui ne se mesure pas n’existe pas” ? Non.
Ce qui ne se mesure pas demande aujourd’hui un autre type d’attention. Et souvent, c’est là que se cache ton avantage.
Promis, ton prochain tableau de bord fera parler les chiffres et les humains.
